La marque Le Léon a retiré de la vente un pull "Chômeur" qu’elle vendait pour la modique somme de 285 euros. Ou quand le mépris des élites ne connaît plus de limites.
C’est un pull d’une banalité affligeante qui a suscité la polémique : un pull un peu sport, ras de cou. Il fait partie d’une série sensée surfer sur les clichés, les "petits travers" des Français. Une série qui exhibe fièrement des trouvailles langagières aussi subtiles que "Cassou laid", "Rockfort" ou "Grande gueule".
C’est une "petite marque parisienne" Le Léon, appartenant à un certain Léon Taïeb qui produit cette fine fleur du pseudo-artisanat franchouillard.
Une marque "contestataire à la cocarde inversée". Contestataire ? Mais que conteste-t-elle donc ? Je vous le donne en mille : la monarchie absolue !
Avouons que les contestataires du prêt à porter post-moderne ne prennent pas trop de risque : contester un régime politique disparu depuis trois siècles, cela ne vous mène pas tout droit à la guillotine, qu’un certain Badinter a du reste envoyé au Musée depuis les années 80 du siècle dernier…
Un chômeur qui vaut 285 euros la pièce
"Il n’était pas question de devenir riche" répond le propriétaire de la marque aux journalistes de 20 Minutes. Pourtant à 285 euros l’unité, la marque pourrait bien le devenir à l’insu de son plein gré…
Mais la suite vaut son pesant de cacahuètes à destination des singes du zoo de Vincennes :
"Non, on voulait juste faire réagir à la manière de Coluche ou Desproges."Les inventeurs des Restos du Coeur et des Restos du Foie doivent se retourner dans leur tombe : rien n’est plus insupportable que cette fausse contestation de marketteux en mal de références populaires.
Sous prétexte de surfer sur les clichés et de détourner les préjugés à des fins commerciales, on tombe dans le mépris des classes populaires. Et on dévoile sa vraie nature…
Le chômage, un "petit problème du moment"
Mais la marque, toute contestataire qu’elle soit, ne s’en prend pas aux chômeurs. Ce qu’elle veut stigmatiser, ce sont "les petits travers des Français, les problèmes du moment".
Chômeurs, vous n’avez rien compris !
Vous vous croyiez victimes des retombées de la mondialisation. Vous pensiez que vous aviez affaire une mauvaise conjoncture économique, à une crise sociale profonde.
Eh bien non ! Vous êtes juste atteint d’un "petit travers français", vous connaissez juste un "petit problème du moment".
Ah, on respire !
Un mépris permanent de la souffrance sociale
Des politologues et des journalistes sérieux se penchent sur les résultats électoraux atteints par les partis populistes en Europe. Des think tanks de gauche comme de droite s’interrogent : "pourquoi les classes populaires votent-elles de plus en plus pour Marine Le Pen ?"
Un des éléments de réponse est ce mépris de la souffrance sociale, de cette condescendence permanente à l’égard de ces classes populaires.
Quand était-ce la dernière fois que vous avez vu une représentation positive d’un ouvrier dans les médias ? Les classes populaires sont devenues invisibles à la télévision. Sauf lors des licenciements massifs, où elles servent d’alibi aux pleureuses pathétiques que sont devenus nos politiciens face à la mondialisation. Ou bien lors des élections pour montrer leur bêtise crasse face à l’idéologie populiste. Ou comme argument de vente pour des fringues de bobos en mal de sensations fortes que les chômeurs ne pourront jamais s’offrir…
La marque a retiré le pull de la vente. Non pas après une réflexion sociologique intense, mais à la suite d’un bad buzz, une de ces contestations immédiates sur le Net auxquelles les marques deviennent aussi sensibles qu’aux fluctuations de la bourse. Souvenez-vous en…
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