Philippe Bihouix avait déjà écrit un livre de référence sur les low tech. Il revient sur le sujet avec la complicité de Vincent Perriot dans un « roman graphique » exceptionnel : Ressources.

Dans un article précédent, je vous ai conseillé l’énigme Dénisova comme cadeau de Noël. Pour la nouvelle année, faites-vous plaisir : Offrez-vous Ressources, le roman graphique de Philippe Bihouix et Vincent Perriot.
Venant de ces deux-là, je m’attendais à quelque chose d’extraordinaire. Je n’ai pas été déçu !
Ce livre est un condensé d’intelligence qui raconte l’histoire de nos ressources et de nos utopies avec humour, fraîcheur et des dessins d’une beauté et d’une précision renversantes.
Le ton est à des galaxies des pleureuses patentées et des catastrophistes pour qui l’effondrement constitue un juteux fonds de commerce en attendant l’apocalypse. Je ne vise personne, suivez mon regard.
Les deux auteurs se sont mis en scène. Bihouix, l’ingénieur connu pour ses positions sur l’utilisation de technologies simples et durables. Perriot, l’auteur de BD de science-fiction qui rêve d’infini et d’ailleurs intergalactiques.
C’est le dialogue entre ces deux compagnons improbables – comme celle d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection, dirait Lautréamont – qui tisse la trame de cette histoire à travers le voyage dans le temps et l’espace. Je voudrais souligner aussi le travail somptueux des deux coloristes, Maëlys Cantreau et Mélissa Bickel, qui contribue au réel plaisir de la lecture.
Sept chapitres pour mieux connaître les ressources
L’album se présente en un prélude et sept chapitres pour mieux comprendre l’impact de notre consommation sur les ressources.
Dans le chapitre un, Les Cornucopiens, les auteurs dressent l’inventaire des utopies qui ont nourri l’espérance des humains d’un monde d’abondance, de loisirs et de culture. Ils convoquent Thomas Moore, Francis Bacon, Thomas Malthus ou encore Alexandre Soljenitsyne, pour n’en citer que quelques-uns.
Dans le chapitre suivant, l’Exponentielle, ils décrivent le mur infranchissable qu’érigent les limites planétaires face à ces rêves de croissance illimitée.
Le troisième chapitre, Les Ressources, se concentre sur l’extractivisme de nos sociétés, notre consommation toujours accrue de ressources non ou peu renouvelables.
Le quatrième, De Gaïa à Thanathia, décrit les risques d’appauvrissement de la planète, tandis que le cinquième, Le Vaisseau fou, oppose notre gaspillage insensé face à une civilisation « soutenable » qui utiliserait ses ressources à bon escient.
Un album anti-technologique ?
Bihouix est-il juste un empêcheur de rêver en l’air ? Est-il un nouveau « luddite » obsédé par la destruction des machines ?
Non. Ses prises de position sont toujours argumentées, très documentées et son immense érudition ne pèse jamais sur la clarté du propos ou sur le plaisir de la lecture.
Il dénonce notre déraison face à la consommation effrénée, de nos désirs créés de toutes pièces par une publicité envahissante, de notre obsession puérile du toujours plus. Et, surtout, il appelle à une société plus sobre, plus équilibrée, qui renoue avec des joies simples et des relations apaisées avec la nature. Une bouffée d’oxygène pour une civilisation asphyxiée, en quelque sorte.
Ressources : un défi pour l’humanité, chez Casterman, 28 €.
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