Élèves en difficulté. Attention : Coup de gueule ! Ou pourquoi j’avais décidé d’arrêter le coaching d’élèves en difficultés. Voici quelques exemples vécus qui vous feront comprendre pourquoi j’avais pris cette décision. J’ai hésité longtemps, pendant plusieurs années, avant de publier cet article. Et finalement, j’ai décidé de vous le livrer.
À l’approche des vacances, d’été, après les sessions d’examen désastreuses, ça ne ratait jamais : mon site était inondé de demandes de coaching d’élèves en difficulté.
Les parents affolés par la perspective du redoublement, hantés par le spectre du futur chômage de leur progéniture, me suppliaient presque de prendre en charge l’accompagnement de leurs chers petits.
Le coaching, c’est terminé !
Mais j’avais pris ma décision : j’arrêtais le coaching.
Cela faisait un moment déjà que ça me titillait. Comme une vilaine démangeaison : ça commence par une sensation très localisée, un gratouillis à peine perceptible, mais qui, avec le temps, se transforme en irritation insupportable, en suppuration atroce, jusqu’à envisager l’amputation…
Et donc, c’est ce que j’ai fait : j’ai amputé le membre “accompagnement d’élèves en difficulté” du corps de mon business (oui, je sais, c’est un jeu de mots facile).
Les élèves en difficulté sont des enfants, pas des premiers ministres !
Cette maman hyper-stressée par les résultats plus que moyens de sa fille ne comprend pas : Julie (tous les prénoms ont été modifiés pour des raisons évidentes) est une fille intelligente, éveillée, qui s’intéresse à plein de choses.
Mais ses résultats scolaires ne reflètent en rien cette intelligence, ni ces nombreux centres d’intérêt. Malgré ses efforts, les notes de Julie sont, au mieux, très moyennes. Au pire, elle est en échec.
Ce profil est très fréquent chez les enfants dont les parents me consultent. Examinons de plus près la semaine de Julie.
Le lundi, après l’école, Julie court à sa leçon de musique. Le mardi, c’est diction. Le mercredi après-midi est partagé entre le solfège – complément indispensable à la leçon de musique du lundi, bien entendu – et le théâtre. Le jeudi, c’est le jour de la peinture. Le vendredi, deuxième leçon de diction de la semaine. Le samedi matin, c’est équitation pour un moment de détente avant que la maman de Julie l’emmène vite vite à son mouvement de jeunesse où elle passe le reste de la journée. Le dimanche, c’est le sacro-saint jour de la visite chez mamy…
Julie déploie des trésors d’astuce et d’ingéniosité pour trouver des moments où elle peut étudier. Pour son coaching, il reste juste une heure le samedi matin, tôt, avant qu’elle parte pour l’équitation…
Quel adulte peut se vanter d’un tel agenda, à part un premier ministre ?
Entendons-nous bien : je ne suis pas du tout opposé aux activités extrascolaires. Je suis aussi le premier à déplorer l’absence quasi-totale de cours de musique, d’arts plastiques ou de théâtre à l’école.
Je suis également convaincu qu’on ne peut pas vivre totalement sans culture.
Mais, de temps en temps, faites un peu le calcul de ce que vous imposez à vos enfants et du temps qu’il leur reste pour l’école. Et déterminez, avec vos enfants, les priorités. Je vois trop d’adolescents épuisés par des rythmes scolaires inadaptés, des transports maison-école-maison interminables et par une kyrielle d’activités extra-scolaires éreintantes.
Les élèves en difficulté sont des enfants, pas des marqueurs sociaux !
Zoé est toute mignonne : elle est plutôt menue, avec de longs cheveux bruns et un visage d’habitude souriant.
Mais aujourd’hui, Zoé est en larmes : elle vient de craquer. Elle n’en peut plus. Elle passe des heures interminables sur ses devoirs de maths. Les maths : une matière qu’elle déteste.
Pourtant, Zoé est dans une classe scientifique, avec maths fortes : 7 heures de mathématiques par semaine. Je ne comprends pas.
” – Pourquoi être dans une section avec tant d’heures de maths si tu détestes ça ?
” – Parce que tous mes copains et copines y sont.
” – Mais peut-être qu’ils aiment ça, eux, les maths.
” – Mais non, tu comprends pas : si t’es pas en maths fortes au Collège ***, socialement, t’existes pas… T’es un ringard, un moins que rien. Pour mes parents, c’est important que je sois en maths forte. Et j’en ai marre de les décevoir…”
Et donc, Zoé pleure tous les soirs, toute seule, sur son oreiller. Tout ça pour que ses parents qui appartiennent à la haute bourgeoisie bruxelloise puissent briller en société, proclamer dans les raouts et autres cornichonneries mondaines que “leur fille est en maths fortes au collège Saint-Frusquin“.
Conduire une ado de 14 ans au burn out ne me parait pas indispensable. Zoé serait sans doute bien plus heureuse dans une section lettres, elle qui se passionne pour la littérature française. Et peut-être qu’un jour la culture sera plus valorisée que le fric dans notre société occidentale si brillante. Même au 21e siècle, il n’est pas interdit de rêver…
Les élèves en difficulté sont des enfants, pas des superhéros !
Arthur a un agenda un peu moins délirant que Julie.
Bien que lui aussi doive trouver des moments pour étudier entre les nombreuses activités.
Mais Arthur a un problème : il est dyslexique. Sa maman est institutrice, mais elle ne parvient pas à l’aider. Il faut dire qu’Arthur a aussi deux frères et sœurs. Son papa travaille lui aussi. Il est encore moins disponible pour aider Arthur, d’ailleurs, je ne le rencontrerai jamais.
Arthur a déjà du mal à lire et à comprendre ses devoirs en français. Mais, son père étant polyglotte, les parents ont décidé de l’inscrire dans une école néerlandophone. Bien sûr, comme Arthur habite en Wallonie, il passe deux heures dans le train tous les matins et deux heures tous les soirs.
Et Arthur rame. En plus, il n’aime pas trop ça, l’école. Et donc, ses résultats s’en ressentent.
Sa maman se plaint qu’il passe beaucoup trop de temps sur sa tablette. Mais pour Arthur, c’est le seul moment où il peut souffler, où il peut penser à autre chose, où il peut évacuer le stress, l’angoisse et la nervosité qu’engendre sa situation…
Vous viendrait-il à l’idée d’inscrire Arthur en course à pied s’il était unijambiste ? Non, bien sûr.
Tenez compte des limites – physiques, mentales, psychologiques – de vos enfants. Ne leur imposez pas des épreuves trop lourdes, qui dépassent leurs capacités.
Les élèves en difficulté sont des enfants, pas des revanches sur la vie !
Andrée voulait être romancière. Elle est si fière de sa fille Emma qui écrit des poèmes fabuleux. Et qui passe tellement de temps à la maison des Poètes. Et qui sans doute publiera son premier roman avant l’âge de 20 ans,”comme Françoise Sagan“.
Emma qui, pourtant, voit s’effondrer ses résultats en français et en langues. Matières dans lesquelles sa maman fondait tant d’espoirs…
Elle, c’est de l’école du cirque qu’elle rêve. Mais elle n’ose même pas envisager d’en parler à sa maman.
Les élèves en difficulté sont des enfants, pas des paillassons !
Eric est très grand pour son âge. Il a 17 ans, mais ce fou de basket mesure un peu plus de deux mètres. Il a aussi une voix de basse chaude et profonde.
Des caractéristiques qui font vite oublier à son interlocuteur qu’Eric n’est pas encore un adulte.
Son père est un personnage. Patron d’une agence semi-publique, il s’exprime souvent à la radio et à la télévision. Il a suivi des cours dans de prestigieuses universités américaines. Et me prévient que “son fils va entrer à l’université à l’âge de 17 ans, mais qu’il va se planter, on le sait déjà“.
Et voici l’avenir du fils tout tracé…
On ne lui laisse aucune chance.
Eric se destine à la médecine. Comme son oncle. En fait, il se serait destiné à l’architecture ou à la peinture sur soie avec la même conviction. Il ne sait pas du tout ce qu’il veut faire de sa vie. Alors, pourquoi pas médecine ?
À la fin de l’année, les parents sont éplorés. Eric a échoué.
En fait, Eric est littéralement écrasé par la réussite de son père et sa personnalité pour le moins impressionnante. Et je me demande même s’il ne s’interdit pas de réussir pour ne pas rivaliser avec cette image paternelle si écrasante.
Vos enfants sont des êtres humains. Ne décidez pas de leur destin à l’avance. Donnez-leur une chance. Donnez-leur l’espace de s’exprimer.
Restez à l’écoute de vos enfants : ils sont les meilleurs spécialistes de leur vie !
À chaque fois que je rencontre des enfants déglingués par leurs parents, souvent avec les meilleures intentions du monde, je pense à ces vers du poète libanais Khalil Gibran dans son recueil Le Prophète :
“Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles du désir de la Vie pour elle-même.
Ils viennent à travers vous, mais ne viennent pas de vous.
Et bien qu’ils vivent avec vous, ils ne vous appartiennent pas.
Vous pouvez leur donner votre amour, mais non vos pensées,
Car ils ont leurs propres pensées.
Vous pouvez héberger leurs corps, mais non leurs âmes,
Car leurs âmes habitent la maison de l’avenir, que vous ne pouvez visiter, même en vos songes.
Vous pouvez vous efforcer de leur ressembler, mais ne cherchez pas à faire qu’ils vous ressemblent…“
Élevez vos enfants pour eux-mêmes, pour leur avenir et leur épanouissement. Et cherchez dans votre cœur et dans le dialogue avec vos ados, si vous êtes sur la bonne voie. Et puis, ne vous flagellez pas si vous commettez des erreurs : tous les parents en font. Moi, le premier. (J’en ai élevé sept, ça m’a donné beaucoup d’occasions d’en commettre, des erreurs).
Juste : restez à l’écoute. Merci pour eux.
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