Quels sont les usages que les enseignants et les formateurs peuvent faire des médias et réseaux sociaux ? A quoi peuvent-ils bien servir en classe ? Voici quelques idées d’utilisation et quelques réflexions qu’elles m’inspirent.
J’ai tenté de formaliser ces usages pédagogiques en réfléchissant sur ma propre expérience de formateur en la matière. J’en ai dégagé une série d’usages des réseaux sociaux qui s’appliquent à la classe ou à la salle de formation.
Les usages cités ici le sont à titre d’exemple et ne prétendent pas à l’exhaustivité : ils veulent simplement rendre compte du potentiel éducatif et formateur des réseaux sociaux si on les exploite avec un peu d’imagination et d’ouverture d’esprit.
(Cliquez sur l’image pour l’agrandir. Vous pouvez aussi la télécharger gratuitement au format XMind sur ma page Biggerplate).
1. Outils de conception de cours (course design)
Même si les médias et réseaux sociaux sont loin de constituer de véritables « authoring tools » – ces outils qui permettent de scénariser une formation – ils offrent néanmoins quelques fonctionnalités qui permettent de créer des exercices.
Facebook par exemple propose des outils de création de documents en ligne ou de questionnaires à choix multiples. Ces documents permettent de rédiger des consignes, des intitulés d’exercices, etc. Les événements annoncent un travail à remettre, un meetup ou un webinaire, par exemple.
1.1. Scénarisation ?
Je n’ai pas trouvé d’outils permettant une véritable scénarisation des cours ou des formations dans les médias sociaux. Il faut donc passer par d’autres outils dédiés ou, comme moi, par des mindmaps, pour scénariser les séquences pédagogiques consacrées aux réseaux sociaux ou utilisant les médias sociaux comme supports de formation.
1.2. Création de documents
Facebook permet la création de documents en ligne dans ses groupes. Ces documents permettent le partage de consignes, d’intitulés d’exercices, de contenus pédagogiques, etc. Voir ci-dessous la partie « LMS » et partage de contenus.
Twitter était au départ un outil de microblogging et par conséquent, on peut créer des « micro-documents » que sont les tweets pour divers usages que je détaille dans la suite de cet article et aussi dans mon article sur la formation Enseignez avec les réseaux sociaux.
1.3. Questionnaires à choix multiple
Les groupes Facebook permettent la création en ligne de questionnaires à choix multiples. Le formateur décide de laisser ou non les participants compléter son questionnaire avec leurs propres réponses.
Ces particularités peuvent aussi être utilisées pour un sondage. Par exemple, dans une classe, j’avais proposé le choix entre diverses activités et les participants pouvaient m’en proposer une autre.
2. Support d’exercice
Les réseaux sociaux sont d’excellents supports d’exercice. Avec un peu d’imagination, on peut facilement les détourner – les « hacker » – de leur fonction première et en faire d’excellents outils dont le côté ludique motive les participants.
2.1. Twitter
La limite des 140 caractères de Twitter est particulièrement intéressante. Elle n’est pas sans rappeler les contraintes de l’Oulipo, un mouvement littéraire qui n’a cessé de (se) jouer des contraintes textuelles.
On peut d’ailleurs s’inspirer de ces contraintes oulipiennes pour corser certains jeux avec Twitter. L’emploi du lipogramme en « e » – pensez à La Disparition de Georges Pérec – est particulièrement difficile mais jouissif : les participants doivent rédiger un texte de 140 caractères sans utiliser cette voyelle. Exemple : « tu t’y rôtiras dix doigts : sans ça pas d’communication mon loup : ni chanson, ni discours, ni bambin du limon ni John larmoyant sur son pot. » (Avez-vous reconnu les deux oeuvres auxquelles je fais allusion dans ce petit texte ?).
2.1.1. Ecriture collaborative
Sur le principe du « cadavre exquis », le formateur peut demander aux participants de rédiger une partie de texte sous forme de tweets. Le suivant continue l’histoire avec un autre tweet et ainsi de suite jusqu’à la fin du récit.
2.1.2. Haïkus
Les participants doivent rédiger un poème de 140 caractères qui respecte – ou non – l’alternance de vers des Haïkus japonais. Le formateur peut organiser un concours, un tweet live ou une exposition des meilleures oeuvres.
2.1.3. Opérateurs de recherche
Twitter est un outil de veille puissant. Grâce à ses opérateurs de recherche, on peut filtrer l’information publiée sur Twitter de manière très fine. D’autant plus que les divers opérateurs peuvent être combinés entre eux pour former des requêtes très fines.
Le formateur peut lancer une recherche sur un thème libre ou imposé, lié à la thématique du jour. Il demande aux participants de comparer les résultats des différents opérateurs et d’en expliquer le fonctionnement.
3. Partage de ressources
Les médias et réseaux sociaux sont également très importants pour le partage de ressources entre étudiants. Voici quelques exemples.
3.1 Stumbleupon
Stumbleupon est un cas particulier. Son nom signifie « trébucher sur » et il est basé en grande partie sur la sérendipité, le fait de découvrir des choses par hasard. Lorsque vous cliquez pour la première fois sur Stumbleupon, le site vous propose une page au hasard. Si vous aimez cette page, si elle vous intéresse, vous cliquez sur l’icône I Like. Et Stumbleupon vous proposera d’autres pages similaires. Sinon, cliquez sur I don’t like et Stumbleupon ne vous proposera plus de pages de ce type. Au fur et à mesure que vous l’utilisez, le média affine sa sélection et vous propose des pages ciblées.
Ce ne serait pas un vrai média social s’il ne proposait pas de partager vos pages préférées assorties d’un commentaire de votre crû.
4. Learning Management System (plateforme de gestion d’apprentissage)
Certains médias ou réseaux sociaux sont si complets qu’ils permettent d’émuler le fonctionnement d’une plateforme d’apprentissage (LMS – Learning Management System).
4.1. Groupe fermé Facebook
L’utilisation d’un espace en ligne comme un groupe fermé secret sur Facebook peut servir à la sensibilisation tant des formateurs que des apprenants à la formation en ligne.
Ce groupe Facebook peut être utilisé comme prolongement ou complément à une formation en présentiel. Il constitue alors la partie en ligne d’une formation hybride.
Le groupe Facebook permet vraiment d’échanger de nombreux articles différents, de programmer des événéments, etc. tel qu’un LMS – Learning Management System ou plateforme de distribution de formations en ligne. Je connais un professeur d’Université à la faculté de médecine de Kuala Lumpur qui n’utilise rien d’autre comme support de cours en ligne.
La grande différence entre un LMS et un groupe fermé Facebook est l’absence de statistiques et aussi de certains éléments.
L’utilisation d’un outil tel qu’un groupe secret Facebook peut constituer le premier pas vers l’adoption d’un LMS comme Moodle ou SpeachMe, par exemple.
C’est aussi une base intéressante pour travailler la notion de social learning.
J’ai détaillé la pratique du groupe secret Facebook dans mon article sur la Formation Enseignez avec les réseaux sociaux.
4.2. Le Blog
Le blog est un média social particulièrement puissant. Il peut combiner texte, images, vidéo, son, questionnaires, etc.
Je l’ai utilisé pour former des groupes de jeunes à la recherche d’emploi. Il peut servir de journal de bord des activités du groupe, d’outil de communication vers l’extérieur ou exclusivement au sein du groupe (protection par un mot de passe).
L’utilisation d’éléments dynamiques comme la vidéo, l’animation avec outils comme Explee ou Moovly, l’exploitation d’outils de création de BD, etc. font du blog un outil aussi ludique que structurant. Il demande cependant beaucoup de travail de la part du formateur.
Les participants doivent aussi être sensibilisés aux principes de la publication – c’est le cas aussi pour les réseaux sociaux, mais c’est surtout vrai pour un blog dont la permanence dans le temps l’expose à davantage de risques en matière de droits d’auteurs. Les participants doivent donc savoir qu’on ne publie pas n’importe quoi n’importe comment, qu’il faut respecter l’intégrité des personnes et la propriété intellectuelle d’autrui, etc.
Toutes ces notions ne vont pas de soi, loin s’en faut.
5. Classe virtuelle avec Google+
Google Plus propose un outil de vidéo-conférence gratuit : le Hangout.
Non seulement, il permet de s’adresser à un public distant, mais il offre des caractéristiques supplémentaires très intéressantes dans le cadre de la formation :
- il permet jusqu’à dix interlocuteurs connectés en vidéo
- il accepte un nombre illimités de participants
- les participants peuvent poser des questions via les commentaires
- les orateurs peuvent partager plusieurs écrans d’ordinateurs
- ils peuvent afficher des documents en provenance de Google Drive
- ils peuvent utiliser les applications liées au compte Google Drive (cartes mentales, diagrammes, tableurs, etc.)
- la séance peut ensuite être publiée sur Youtube où elle sera visible par tous en permanence (visibilité)
De quoi s’initier aux délices de la classe virtuelle sans bourse délier.
6. Formation par les pairs
Personnellement, je crois énormément à la formation par les pairs.
Un élément qui nous est donné par un égal – un apprenant comme nous – possède un autre poids, une autre consistance que le même élément donné par le formateur ou le professeur.
Les médias sociaux fournissent de nombreuses occasions de formation par les pairs :
- réponses aux questions posées les uns aux autres, aide réciproque, étude à plusieurs
- échanges d’informations et de bonnes pratiques
- soutien psychologique – lorsqu’un apprenant est démotivé, les autres peuvent le soutenir, lui remonter le moral, le remotiver
- motivation, émulation : voir les autres réussir peut donner envie de s’y essayer aussi (pourquoi pas moi ?)
La socialisation est un élément important de la formation en ligne et particulièrement du social learning.
7. Socialisation
Le social learning ne consiste pas seulement en échanges formels – informations, ressources, travaux, etc. Les échanges informels, de type social, y sont extrêmement importants.
Cette dimension sociale de l’apprentissage est loin d’être nouvelle : elle est sans doute aussi vieille que l’école. Qui n’a pas eu de relations privilégiées avec un ou plusieurs camarades de classe ? Des personnes à qui on pouvait demander une explication ou un conseil ? Avec qui on pouvait échanger des solutions ? Qui nous apportaient nos devoirs la maison lorsque nous étions malades ? Et avec qui nous concoctions canulars et plaisanteries ? Avec qui nous passions du bon temps en-dehors du temps scolaire ?
Nous redécouvrons soudain l’importance de cette dimension sociale de l’apprentissage. Peut-être parce que les nouveaux supports que sont les réseaux sociaux nous y ramènent par une autre support que ceux auxquels nous étions habitués ? Peut-être aussi parce que la dimension sociale est de plus en plus mince dans notre vie quotidienne ?
La socialisation en formation avec les réseaux sociaux ce peut être :
- des échanges informels d’impressions :
- sur le formateur
- sur la formation
- sur le propre parcours des participants
- du bavardage
- le développement de relations amicales avec une ou plusieurs personnes du groupe
Cela vous paraît trivial ? C’est pourtant ce qui forme la trame de nos journées et c’est extrêmement important pour la réussite de n’importe quelle formation : a fortiori, en ligne !
8. Un cas particulier : la curation
La curation est un cas particulier de l’usage des réseaux et médias sociaux.
Elle consiste en quatre étapes qui sont détaillées ci-dessous :
- la veille (recherche de documents et de sources pertinents par rapport à une thématique particulière
- la sélection des documents pertinents par rapport à la thématique et au public visé
- le traitement des documents : mise en forme et ajout du point de vue du curateur
- diffusion : distribution via des canaux différents des documents pertinents aux bons destinataires
La curation est un élément important de l’environnement personnel d’apprentissage. C’est également une pratique très formatrice. Surtout de nos jours. En effet, de nombreux adolescents – et combien d’adultes ? – se contentent de trouver de l’information via Google, de la copier-coller et de la restituer telle quelle.
La curation est une discipline exigeante qui demande des compétences variées, essentielles tant pour l’éducation et la formation que pour la survie en entreprise.
Je n’entre pas dans le détail de la pratique de la curation car j’en ai déjà parlé dans mon article Curation : et si on parlait un peu stratégie ?
Conclusion : les réseaux sociaux ont toute leur place en formation
Oui les réseaux et médias sociaux ont toute leur place dans la formation. Ils permettent non seulement d’échanger des ressources et des informations, mais ils engagent les apprenants dans la formation comme peu d’autres méthodes.
Avec les réseaux sociaux, les apprenants se réapproprient une bonne partie des initiatives d’apprentissage. Ils peuvent combiner production du savoir et échanges sociaux, formels et informels. Ils tracent eux-mêmes les contours de leur apprentissage.
Les formateurs, eux, peuvent distribuer à tous en quelques clics, consignes, documents, ressources… Ils peuvent s’adresser à tous ou à chacun en temps réel. Avec les jeunes, le côté ludique des réseaux sociaux fait tomber bien des barrières qu’un système lourd ou d’aspect trop académique érige entre le formateur et les apprenants.
Les réseaux peuvent aussi devenir le meilleur vecteur de la formation aux réseaux sociaux : ceci pour éviter les risques de harcèlement ou d’emplois frauduleux ou agressifs de ces outils par des adolescents non-conscientisés.
Bref, ils ne sont pas la panacée, mais ils valent certainement la peine d’être expérimentés, diffusés et enseignés.
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