Avec son livre « Construire et animer une session de formation », Bernard Lamailloux signe un ouvrage essentiel, pour les formateurs débutants comme pour les vieux routards de l’éducation. Un véritable guide pratique nourri par l’expérience et l’humour un brin désabusé d’un formateur hors pair.
« Construire et animer une session de formation » est le premier livre de Bernard Lamailloux et en refermant ses pages, on espère juste qu’il y en aura beaucoup d’autres. Car pour un coup d’essai, c’est un coup de maître.
Un livre nourri de l’expérience et de l’humour de l’auteur
Bernard Lamailloux est formateur depuis de longues années. Concepteur de ressources pédagogiques, formateur de formateurs, il se définit avant tout comme «formateur-baroudeur tout-terrain » (voir la vidéo de l’entretien au bas de l’article).
C’est-à-dire quelqu’un qui a une pratique et une connaissance hors pair du terrain pédagogique, des réalités des formateurs. Quelqu’un qui a aussi longuement réfléchi sur ses pratiques, leurs fondements théoriques, leurs applicabilité dans le travail quotidien, l’avenir des pratiques pédagogiques, etc.
Avec ce lourd bagage sur ses (frêles) épaules, Bernard Lamailloux aurait pu nous pondre un de ces pavés pédagogiques indigestes, un de ces interminables pensums aussi prodigieusement ennuyeux que rigoureusement incompréhensibles dont certaines institutions éducatives raffolent.
Ce serait mal connaître le bonhomme !
Bernard Lamailloux nous livre au contraire un petit bijou d’humour parfois décalé, parfois un brin désabusé (surtout par rapport aux dites institutions de formations qui ressemblent plus à des usines à gaz qu’à des dispositifs éducatifs).
N’allez pas croire pour autant qu’il ne s’agit que de rire, que toute notion de sérieux est exclue de cet opus !
En réalité, Bernard Lamailloux use de ce cocktail détonnant d’humour, de métaphores si propice à la vulgarisation de qualité qui font tout le suc de son blog Former plus haut.
Des grands courants pédagogiques aux situations spécifiques de formation
Dans son livre, Bernard Lamailloux brosse le panorama de la formation d’aujourd’hui. En quatre parties, il passe en revue tout ce qui doit intéresser le formateur professionnel, qu’il soit débutant ou confirmé.
J’ai particulièrement aimé dans cette partie le "Petit lexique impertinent", petit mélange de lexique et de critique humoristique des réalités du métier qui remettent souvent les pendules à l’heure entre les grandes théories et les (toutes petites) pratiques de certaines grandes entreprises de formation.
Beaucoup aimé aussi ce schémas en "U" qui montre avec la force de l’évidence que si formateur et apprenants se rencontrent dans un même lieu pour une session de formation, il existe en réalité une pléthore d’intermédiaires dont l’influence plus ou moins directe oriente le jeu pour le meilleur ou pour le pire.
1. Les grands courants pédagogiques et les pédagogies décalées
Où nous découvrons que nous sommes pour la plupart des "Monsieur Jourdain" de la pédagogie, car nous instillons dans nos formations, des concepts, des exercices et des objectifs issus de ces différents courants que sont :
a) Les grands courants pédagogiques
- le behaviorisme
- le constructivisme
- le socio-constructivisme
- le connectivisme
Un chapitre qui se conclut sur la pertinence de ces théories et des ouvrages qui en traitent dans le quotidien du formateur…
b) Les pédagogies décalées
Mais outre les courants "mainstream" prônés par les institutions académiques, il existe une multitudes de chemins de traverse : les pédagogies décalées. C’est-à-dire des pratiques et des conceptions pédagogiques qui ne se revendiquent pas nécessairement des courants ci-dessus, mais qui explorent des potentiels que l’école ou la formation classique négligent.
C’est le cas de l’accelerative learning, mieux connu dans les pays francophone sous le terme générique mieux apprendre que l’on doit à Bruno Hourst, précurseur en la matière. Un ensemble de principes qui permettent d’apprendre mieux en un temps réduit comme je l’écrivais dans mon article sur le livre de Xavier Delengaigne, Apprendre à toute vitesse.
Bernard Lamailloux parle aussi brièvement du mindmapping (avec un renvoi amical vers ce blog) et traite plus en profondeur l’impact des croyances limitantes sur la mémorisation. Nous avons tous une mémoire extraordinaire, mais il faut en connaître les principes pour en mobiliser toute la puissance.
Il passe ensuite en revue les jeux de Thiagi et les serious games et l’influence du jeu sur le mieux apprendre.
2. Conception et préparation
Dans cette partie du livre, Bernard Lamailloux envisage les outils réutilisables du formateur : des séquences ou des outils de formations qui peuvent faire partie d’un "kit réutilisable".
Les objectifs de votre formation doivent vous donner les grandes lignes du canevas que vous allez utiliser. Il met aussi l’accent sur les types d’acquisition désirés (savoir-faire, savoir-être, savoir et savoir-devenir ou capacité à se projeter dans l’avenir). Et enfin, sur les niveaux de maîtrise que les apprenants atteindront à la fin de votre formation.
Il aborde aussi la question des supports de formation, qui sont importants :
- quels sont les paramètres à prendre en compte dans le choix d’un support ?
- quels supports pour les apprenants
- quels supports pour le formateur ?
Bernard Lamailloux décortique aussi l’art de structurer un scénario pédagogique et propose enfin une checklist pour s’assurer de ne rien avoir oublié.
3. Animation – Face à face pédagogique
Cette partie aborde l’animation d’une session de formation : comment aborder le face-à-face pédagogique avec un groupe de personnes que vous ne connaissez pas ? Sur lesquelles vous n’avez eu aucune information préalable ?
Une fois de plus, Bernard Lamailloux nous donne les clés d’une façon unique, mêlant humour et conseils pratiques.
D’abord, arrivez en avance et assurez-vous que tout est prêt et fonctionnel.
Ensuite, appliquer quelques règles simples pour une "gestion saine des ressources dont on dispose". Les règles claires, explicites dès le début pour vos apprenants, traceront les grandes lignes de votre intervention… et vous faciliteront la vie tout au long de cette session.
Les questions posées par les participants peuvent être à double tranchant : répondez-y avec sincérité, ou le retour de flammes ne se fera pas attendre ! Par contre, si vous y répondez avec humilité et professionnalisme, vous contribuerez à une atmosphère vraiment propice à l’apprentissage.
La clôture de la session de formation est au moins aussi importante que le début : soyez vigilant. Une évaluation à chaud peut se rater ou se réussir. Mettez tous les atouts de votre côté en suivant les conseils de l’auteur !
4. Quelques cas particuliers
L’ouvrage se termine sur l’analyse de quelques cas particuliers auxquels le formateur se trouvera un jour confronté.
Notamment, la formation de formateurs, à la fois plus exigeante mais plus gratifiante, puisque ce sont vos pairs que vous formez : des gens qui maîtrisent au moins une partie des concepts et des outils que vous utilisez, avec qui vous pouvez connaître des échanges très riches sur vos propres pratiques pédagogiques…
Bernard Lamailloux évoque ensuite la façon de "reformater une formation" pour l’adapter à un nouveau public ou à des circonstances nouvelles.
Il aborde ensuite l’apprentissage à distance et ses différentes modalités, ainsi que l’usage possible des mondes virtuels dans la formation, avec leur richesse et leurs limitations – notamment les connaissances techniques minimales requises pour "entrer" dans ces mondes virtuels.
J’ai beaucoup aimé la partie qui compare les formations en bureautique et les formations techniques : en tant que formateur en mindmapping et autres méthodes issues de la pensée visuelle, je suis confronté à ce type de décalage entre ce que j’offre réellement et les attentes de certaines institutions de formation. C’est particulièrement vrai en formation de formateurs où la capacité de transmettre connaissances et compétences via le mindmapping me paraissent bien plus intéressantes pour ce public que la maîtrise de chaque commande d’un logiciel donné…
Ce chapitre se clôture sur le cas particulier des étudiants surdoués.
Conclusion
En conclusion : un ouvrage indispensable à toute personne qui se destine au métier de formateur, mais aussi aux formateurs déjà en fonction.
En effet, tant le débutant que le formateur chevronné trouveront ici des tuyaux pratiques mais aussi des réflexions sur leur profession, sur ses conditions d’exercices, pas toujours idéales.
Un ouvrage comme on aimerait en lire plus souvent, alliant humour et conseils applicables immédiatement, outils concrets et recul par rapport à certaines pratiques du secteur.
Je vous fais une confidence pour terminer : c’est un livre que j’aurais aimé écrire moi-même ;-)
Construire et animer une session de formation : Tranfert de compétences, les clés du succès, Bernard Lamailloux, Paris, Dunod, 2014, 179 p.
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