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Curation : et si on parlait un peu stratégie ?

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Curation et Stratégie ? Oui, parce que trop de curateurs amateurs se jettent sur les instruments sans trop se préoccuper de stratégie. Et, ils passent évidemment à côté de la montre en or… Voyons ensemble comment éviter ce piège pas si fatidique.

La curation est très en vogue en ce moment.  Tout le monde en fait ou presque.

Mais, la curation, qu’est-ce que c’est ?

La curation, un métier vieux comme les musées !

À force de parler « curation » en association avec Internet, on en oublie qu’il s’agit en fait d’un vieux mot latin qui signifie « celui qui prend soin de ». Les synonymes en anglais font d’ailleurs tous partie du même champ lexical :

  • conservateur
  • gardien
  • administrateur
  • directeur
  • manager

La curation, c’est le métier d’un « curateur » : en Belgique, on l’utilise souvent pour désigner une personne qui prend soin des actifs et passifs d’une société en faillite.  Mais aussi pour qualifier une personne qui, dans les musées ou les institutions culturelles, conçoit et organise les expositions.

Dans ce cas, le curateur, c’est la personne qui :

  1. détermine le thème d’une exposition,
  2. cible les oeuvres qui méritent d’être vues
  3. les contextualise en les reliant entre elle mais aussi à leur auteur, à leur époque, etc.
  4. les partage avec le public en les mettant en scène

La curation sur Internet : c’est la même chose !

Trop d’articles sur la curation ne parlent que des outils, des plateformes : de l’aspect purement technique.

Or, l’essentiel, dans la curation comme dans toute veille, se trouve ailleurs.  L’essentiel, c’est votre stratégie de veille.  Trop de curateurs l’oublient.  Et, donc, ils attirent peu d’abonnés.  Car ils ne remplissent pas leur fonction qui est de :

  1. déterminer le thème de leur veille
  2. cibler les informations qui valent la peine d’être lues ou vues
  3. les contextualiser en ajoutant leur point de vue et/ou en ajoutant des liens vers d’autres ressources
  4. les partager avec leur public, leur communauté, en les mettant en forme (c’est d’ailleurs l’étymologie du mot « information » : in formare – mettre en forme le savoir).

Et donc, la curation, ce n’est pas glâner des trucs sur le Net au petit bonheur la chance et les rassembler dans l’espoir que des foules vont se déplacer pour visiter votre cabinet de curiosités.

La curation : l’arme mortelle de l’infobésité

La curation répond à un besoin crucial : la lutte contre l’infobésité.

Nous sommes tous submergés par un flux ininterrompu d’informations qui croît de jour en jour.  Vous croyez que j’exagère ?  Examinons un peu les chiffres.

Regardez  les premières minutes de cette vidéo de Brad Frost sur Youtube.  Elle est en anglais, mais les graphiques sont suffisamment éloquents.

Texte :

En 2022, entre 500.000 et 1.000.000 de livres ont été publiés par des éditeurs professionnels aux États-Unis. Auxquels il faut ajouter entre 2 et 3 millions de livres autopubliés.

Blogs, sites et médias sociaux :

  • Les spécialistes estiment qu’il existe aujourd’hui plus de 1.9 milliard de sites Web aujourd’jui.
  • Chaque jour, 333.2 milliards d’emails parcourent Internet
  • Sur Instagram, les Internautes postent chaque jour environ 100 millions de photos ainsi que 400 millions de stories.
  • Chaque minute, il y a :
    • 79.740 nouveaux billets sur Tumblr
    • 176.220 appels sur Skype
    • 473.400 nouveaux tweets
    • 2.083.333 nouvelles publications sur Snapchat
Une minute sur le Web en avril 2023
1 minute sur le web en 2023

Mais, ce déluge ne menace pas toute l’humanité : en avril 2023, seuls 5,18 milliards d’humains ont accès à Internet sur 8 milliards.  Cela représente 64,6 % de la population qui sont connectés tandis que plus d’un tiers n’ont toujours pas accès à ces technologies.

Curation : population connectée à internet en avril 2023
Population connectée à Internet en avril 2023.

Etablir une stratégie pour échapper à l’infobésité

Le rôle de la curation, c’est justement de vous aider à échapper à tout ce bruit et à trouver l’info que vous cherchez et pas dix milliards d’autres.

Et donc, avant de vous ruer sur les outils, prenez le temps de la réflexion.  Et peut-être un crayon ou une feuille.

Dans le cas d’une veille, la première étape, c’est le ciblage de l’information.  Mais, nous parlons de curation.  C’est-à-dire de partage de votre veille.

Si nous partions plutôt de votre public ?

Parce qu’après tout, l’objectif premier de la curation, c’est d’aider les membres de votre communauté à s’y retrouver dans le déluge de l’infobésité et de trouver LA bonne info qui les intéresse…

  • Qui est votre public ? 
  • À quoi s’intéresse-t-il ? 
  • Quels sont les thèmes, les secteurs de l’information qui l’intéressent ? 
  • Quel sont les éléments susceptibles de l’aider dans son travail, dans ses études, dans sa vie quotidienne ? 
  • Si ce sont des étudiants, quelles activités sur les réseaux sociaux pourraient-elles être utiles pour eux ?
  • Ou tout simplement, quelle passion partage-t-il avec vous ?

Utilisez une carte d’empathie pour identifier les besoins de votre public

Au besoin, aidez-vous d’une carte d’empathie.  En voici un modèle que j’ai réalisé avec Xmind et que vous pouvez également voir en ligne en cliquant sur ce lien.

Mindmap XMind : carte d'empathie de Dave Gray : permet de ressentir ce que ressentent les apprenants de votre future formation en ligne
Réinterprétation de la carte de David Gray sous forme de Mind Map

De cette manière, vous pouvez mieux ressentir ce que fait votre public, ce qu’il pense,  la manière dont il s’exprime, etc.

Vous avez plus de chance d’identifier les bons thèmes.

Ensuite, cibler votre veille.  Quelles sont les bonnes sources d’informations ?  Les sites fiables, les blogs qui ne racontent pas n’importe quoi, les forums ou les groupes Linkedins où les professionnels s’expriment ?

Enfin, choisissez un outil de curation.

Mais attention !

Gardez à l’esprit votre objectif initial : éviter le bruit pour vos abonnés !

Je vois trop de Scoop it du type “trucs glânés sur le Web“, “ma collection de trucs“, etc.

Si vous procédez de cette façon-là, vous reproduisez à votre échelle ce que le web fait déjà à l’échelle planétaire : vous entretenez le bruit, vous noyez les informations intéressantes dans un brouhaha qui assourdit vos visiteurs.

Premier conseil : ciblez un ou deux mots-clés par topic

Déterminez un thème, un ou deux mots-clés, pas plus par “topic” comme on les appelle sur Scoop it.  Et consacrez-y les 99 % de votre curation.  Laissez un petit pourcent pour la sérendipité.  Il n’est pas mauvais de surprendre quelquefois ses visiteurs par un écart, par un coup de coeur qui n’est pas directement lié à votre topic.  Mais n’abusez pas de cette surprise, et surtout, n’ajoutez pas un article sur la nouvelle voiture de sport dans un Scoop it qui parle d’écologie et de développement durable.  Si vous pensez que j’exagère, faites un tour sur Scoop it et vous verrez que les surprises de ce genre ne manquent pas.

Deuxième conseil : évitez absolument le clic automatique sur tout ce qui bouge !

Je vois aussi trop de curateurs sur Scoop it qui cliquent systématiquement sur tout ce qui concerne leur discipline.  Encore une fois, le rôle de la curation, c’est bien d’orienter l’information pertinente vers vos abonnés.  Pas tout et n’importe quoi !

J’ai refusé des tonnes de suggestions de la part d’autres scoopiteurs parce que, désolé les gars, leurs articles n’étaient pas à la hauteur : syntaxe aproximative, orthographe inexistante, sujet mal compris, article inachevé ou d’une superficialité qui ferait passer Nabilla pour la fille d’Einstein…  et j’en passe, c’est un jour de bonté aujourd’hui, vous avez remarqué ?

Ce qu’attendent de vous vos abonnés, c’est une information de qualité.  Et donc,

Troisième conseil : lisez avant de partager !

 Je vois aussi des scoopiteurs qui cliquent sur tout ce qui concerne leur discipline sans avoir lu le contenu de ce qu’ils ont diffusé.  C’est manifeste.

Je me suis dit que j’allais un jour faire l’expérience : je publierai un titre hyper-sérieux avec un texte débile, constitué d’insultes et de phrases collées au hasard.  Et bien, je suis certain qu’un nombre non-négligeable de “curateurs” relaieront joyeusement “l’information“.

Il n’est pas toujours nécessaire de lire tout l’article avant de le relayer, mais une lecture en diagonale des titres, intertitres et mots principaux des paragraphes s’impose.  Au pire, lisez au moins le chapô.  Mais lisez, bon dieu !

Quatrième conseil : contextualisez, commentez, ajoutez de la valeur

Vous avez trouvé l’info du siècle qui va passionner vos abonnés ?  C’est très bien.

Mais allez-vous leur transmettre cette information brute ?  Ce serait dommage.

Ajoutez donc votre grain de sel : donnez votre point de vue sur cet article, sur le contenu de cette vidéo, sur la pertinence de cette infographie.  Commentez-la.  Replacez-la dans son contexte.  Ajoutez-y des liens pertinents.

C’est cela votre valeur ajoutée en tant que curateur : la bonne information avec le regard d’un professionnel.  Sinon, un agrégateur de flux RSS fera tout aussi bien l’affaire…

Non seulement vos abonnés apprécieront votre point de vue, mais vous gagnerez en notoriété : vous serez considéré comme un expert, capable de repérer la bonne information pour le bon public ; capable de la commenter, de la relativiser, de la contextualiser.

Et croyez-moi, des curateurs de cette qualité-là, ça ne court pas les avenues de l’information !

Conclusion : la curation c’est difficile et ça prend du temps

Eh non, on n’a rien sans rien.  Si vous voulez des followers ou des abonnés sur Scoop it ou Paper.li, il faut faire des efforts.  Il faut cibler son public, cibler son info, lire, parcourir des sites web, des médias sociaux, bouffer des kilomètres de texte et des dédales d’images pour publier, in fine, une portion infime de tout cela.  La partie qui en vaut la peine, la perle de l’information dans le fumier d’Internet.

Il faut y consacrer du temps, de l’énergie, de la passion.  Mais vos abonnés vous en seront reconnaissants 😉

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