Avons-nous une mémoire ? Ou des mémoires ? Et qu’est-ce que ça implique au niveau de la mémorisation ? Comment fonctionne ce système complexe ? C’est ce que nous examinons dans cet article.
Quand j’anime des ateliers sur ce sujet, je demande toujours « qui à une très mauvaise mémoire ? » pour désigner la victime volontaire de l’exercice sur le Palais de Mémoire. Et ça ne rate jamais : j’ai toujours au moins deux ou trois personnes qui lèvent le doigt avec beaucoup de conviction.
Pourtant, nous n’avons pas qu’une seule mémoire. Nous en avons plusieurs.
La mémoire consiste en un système de mémoires
Et ces mémoires ne fonctionnent pas de manière isolée. Elles forment un système complexe.
Je vous propose de les passer en revue. Vous pouvez soit lire l’article complet, soit visionner la présentation Genially ci-dessous :
Les mémoires individuelles
Ce sont celles que nous croyons connaître le mieux. En réalité, nous commençons seulement à comprendre comment elles fonctionnent…
1er type de mémoire : les mémoires explicites
Les mémoires explicites concernent les choses, les pensées verbalisables. Elles sont donc trait à tout ce qui est langage verbal, écrit ou oral. Ce sont elles qui nous permettent de retenir les noms des personnes, des choses ou des villes, par exemple. On les appelle aussi « mémoires déclaratives« .
La mémoire sémantique
C’est celle du temps présent, sans contexte particulier. C’est elle qui fait que nous savons que Paris est la capitale de la France. Mais sans nous souvenir pour autant de quand ni comment nous l’avons appris.
Cette mémorisation dépend du sens que nous donnons aux mots. C’est celle de la culture générale, celle qui accumule les mots et les faits que nous accumulons tout au long de notre vie.
La mémoire épisodique
C’est celle qui nous permet de relier un fait à un temps de notre existence. On l’appelle aussi mémoire autobiographique. Elle nous permet de construire le récit de notre propre vie et donc une composante essentielle de notre identité.
Des maladies comme celle d’Alzheimer affectent cette mémoire et plonge les personnes atteintes dans un profond désarroi.
2e type de mémoire : les mémoires non-explicites ou implicites
Ce sont des mémoires qui ne sont pas liées au verbal, à l’usage des mots. Elles précèdent la verbalisation. Par exemple, nous pouvons reconnaître un objet à sa forme, sans en connaître le nom. Si nous sommes en Russie et que nous ne connaissons pas le Russe, nous pouvons reconnaître une tasse de thé, même si nous ne connaissons pas son nom en russe.
La mémoire procédurale
C’est une mémoire logée dans le striatum : une zone striée du cerveau. Et qui a pour rôle de mémoriser des enchaînements de gestes : des procédures. Lorsque vous apprenez à nager, à rouler à vélo ou à utiliser un clavier d’ordinateur, c’est cette partie du cerveau qui entre en jeu. Elle a besoin d’entraînement, de répétition – un des principes de mémorisation – pour s’activer. Mais c’est une mémoire pérenne, très résistante. La sagesse populaire le sait lorsqu’elle affirme « nager ou rouler à vélo, ça ne s’oublie pas »
.
La mémoire perceptuelle
C’est la mémoire qui nous permet de reconnaître les objets, les formes. Par exemple, c’est la mémoire perceptuelle qui nous permet de distinguer entre une pomme et une poire. Elle est « pré-linguistique » : car nous n’avons pas besoin de connaître le mot « poire » pour reconnaître le fruit. Même les personnes qui souffrent d’une détérioration de la mémoire sémantique peuvent distinguer une poire d’une pomme, même si elles ne sont plus capables de nommer ni l’une ni l’autre.
La mémoire d’amorçage
Appelée aussi « priming », c’est une mémoire qui nous permet de reconnaître les objets, les personnes ou les images que nous avons déjà rencontrés. Elle est beaucoup plus efficace que la mémoire sémantique. Mais elle peut être un piège, notamment pour les enseignants et les formateurs. Car, dans les tests à choix multiples, souvent, les apprenants utilisent cette mémoire d’amorçage : il reconnaissent le mot ou la notion. Mais si vous leur demander d’effectuer un test sans leur fournir plusieurs réponses, ils sont perdus : car il n’ont pas mémorisé du point de vue sémantique. Ils reconnaissent des notions que peut-être ils ne comprennent pas. En outre, ils sont parfaitement incapables d’utiliser ces notions dans un autre contexte. Autrement dit, ils sont en plein dans l’illusion de maîtrise de la matière…
2e type de mémoire : les mémoires collectives
C’est le sociologue français Maurice Hallbwachs qui est à l’origine des recherches sur les mémoires collectives. Il s’agit ici non de souvenirs appartenant à une seule personne, mais bien à des groupes. Et l’un des mérites de Maurice Hallbwachs était son intuition que les unes influencent les autres.
Ces mémoires collectives s’enchâssent les unes dans les autres : au niveau national, régional, d’une ville, d’une école, d’une famille, etc. Elles sont intimement liées aux groupes auxquels nous appartenons. Et elles évoluent avec eux. Contrairement à ce que nous pourrions croire, elles ne sont pas plus stables que les mémoires individuelles.
Les mémoires culturelles
Véronique Charléty, dans son livre Berlin en musée, les décrit comme :
C’est donc celle des discours officiels, des expositions des musées, des célébrations et des commémorations et du fameux « devoir de mémoire ».
Ces mémoires culturelles se subdivisent encore en deux sous-catégories :
Le réservoir
Pour le philosophe allemand Schopenhauer, la mémoire culturelle est un « réservoir » dans lequel les générations puisent une connaissance qui leur permet de comprendre leur propre présent.
La mémoire fonctionnelle
Maurice Halbwachs, le sociologue qui a le premier émis l’idée de mémoire collective, définit la mémoire fonctionnelle comme celle qui permet à un groupe de se distinguer d’un autre groupe. Par exemple, dans une famille, outre le nom, les souvenirs communs distinguent le groupe familial des autres.
La mémoire communicative
Faisons appel de nouveau à l’ouvrage de Véronique Charléty :
« La mémoire communicative ne répertorie que le passé le plus récent. Elle recouvre l’ensemble des souvenirs que l’individu partage avec ses contemporains et qui circulent dans les situations quotidiennes de face-à-face. La mémoire communicative disparaît en même temps que disparaissent ses supports. Jan Assmann la nomme aussi « mémoire générationnelle ».
La mémoire collective qui circule sur les réseaux sociaux est aussi une mémoire communicative.
Souvent, un statut ou une information chasse l’autre, plus rapidement encore que dans les médias traditionnels.
Cette mémoire se combine à d’autres pour constituer l’identité des groupes et communautés virtuels.
3e type de mémoires : les mémoires numériques
Les mémoires périphériques existent depuis plusieurs milliers d’années. Depuis Lascaux, les hommes dessinent pour se souvenir. Ensuite, l’humanité a stocké sa mémoire sur divers supports.
Depuis peu, les mémoires numériques étendent elles-aussi les mémoires humaines. Elles sont très efficaces, car peuvent stocker d’énormes quantités de souvenirs.
Elles peuvent aussi nous aider à comprendre comment fonctionnent les mémoires humaines. Bien qu’elles fonctionnent d’une façon radicalement différente : leurs données sont stockées sur des supports magnétiques (disques durs).
Mais leur souci principal est leur absence de pérennité… Par exemple, combien de machines sont encore capables de lire des disquettes des années 1980 ? Alors que nous sommes toujours en mesure – du moins certains d’entre nous – de lire des tablettes sumériennes datant de 5.000 ans…
Les mémoires locales
Les mémoires périphériques locales sont intégrées à votre ordinateur : c’est, par exemple, un disque dur. Vous devez pouvoir accéder directement à cette mémoire pour en utiliser le contenu.
Ces mémoires ne sont interrogeables qu’à proximité. Ce sont des mémoires magnétiques, susceptibles d’être dégradées par la proximité d’un aimant ou d’un autre champ magnétique.
Les mémoires mobiles
Les mémoires périphériques mobiles vous permettent de sauvegarder vos données et votre travail sur un support mobile. La clé USB en est un bon exemple.
Elle vous permet de sauvegarder des données et de les emporter avec vous. Et de les ré-exploiter avec un autre ordinateur auquel vous la connectez.
Le Cloud
Le Cloud (ou nuage) : son nom est trompeur, car il laisse entendre que les données « flottent » quelque part dans un univers « dématérialisé ». En fait, il n’en est rien : vos données sont stockées sur des ordinateurs distants, des serveurs sur lesquels vous avez peu de contrôle, même s’il est vrai qu’ils rendent d’énormes services.
Certains fournisseurs américains ou leurs filiales européennes sont liées par la loi aux autorités américaines et sont susceptibles de fournir une copie de vos données, même privées, aux autorités de leur pays d’origine. En outre, ces entreprises travaillent avec d’énormes structures qui posent de plus en plus de problème en matière de consommation d’énergie et de pollutions diverses.
Cette carte peut être téléchargée gratuitement au format XMind depuis notre page Mémoires. Vous pouvez également la télécharger au format PDF en cliquant sur le bouton Télécharger ci-dessous.
Conclusion : un système complexe dont il reste beaucoup à découvrir
Notre cerveau et son fonctionnement commencent seulement à se dévoiler grâce aux nouvelles techniques d’investigation et au développement des sciences neurocognitives.
Mais il reste beaucoup à comprendre. Par exemple, on sait que le système limbique est le siège de nos émotions primaire et aussi de la mémorisation à long terme. Mais des découvertes récentes montrent qu’en réalité le cerveau est globalement impliqué dans les phénomènes de mémorisation. Et que le cervelet joue souvent un rôle plus actif et important que nous ne pensions.
Et nos facultés de mémorisation constituent, elles aussi, un système complexe. À nous de tirer parti des propriétés spécifiques de ces différentes mémoires pour mieux apprendre.
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