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Ecrire pour la presse web : l’importance cruciale de l’habillage

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On sent tous de manière intuitive que l’habillage d’un texte a de l’importance.  Un bon titre, bien visible.  Une mise en page agréable.  Des images cohérentes avec le sujet et des intertitres clairs.

Mais l’habillage peut aussi changer dramatiquement la perception qu’un lecteur aura de votre article.  Un exemple avec un des mes articles, paru avec des habillages très contrastés dans deux médias différents : MyEurop et Owni.

Troisième article de la série « Ecrire pour la presse web » après « les portes d’entrées de votre article » et « le mythe du toujours plus court« .

L’importance de l’habillage pour un texte de presse en ligne est souvent sous-estimée.  Or, la position unique de l’article sur la page web renforce, amplifie l’effet de l’habillage sur la perception qu’aura le lecteur de votre article.  En effet, dans un journal papier, un article est rarement isolé : il est entouré d’un, voire de plusieurs autres articles : sur le web, le lecteur n’a que votre article sous les yeux.  Et l’habillage bénéficie d’un impact d’autant plus important.

Pour illustrer cette hypothèse, j’ai pris un de mes propres articles pour exemple.  Il s’agit d’un article sur un réseau citoyen et les policiers bénévoles aux Pays-Bas.  L’article est paru initialement dans MyEurop et a été repris par Owni.  Il a également été inséré dans un article sur le site de France 2  par Jacques Deveaux pour illustrer un reportage intitulé « Policiers occasionnels aux Pays-Bas« .

Sur MyEurop, l’article s’intitulait Des policiers-citoyens pour sécuriser les Néerlandais tandis qu’Owni titrait : Les milices fleurissent aux Pays-Bas !  Il semble d’ailleurs qu’il y ait du flottement dans le choix du titre, puisque le lien d’Owni affiche : les milices de quartier des Pays-Bas.

Mais, lors du passage d’un site d’information à l’autre, le titre a été passablement dramatisé, vous en conviendrez !

L’habillage, ce n’est pas que le titre.  C’est aussi, le chapô, la titraille, l’utilisation de la graisse, de la ponctuation et des images.

Un chapeau plus dramatique et personnalisé

MyEurop résume ainsi l’article dans le chapô :

« Faute de moyens et afin de réduire le taux d’affaires non-résolues, les autorités néerlandaises font appels à des citoyens bénévoles. Ceux-ci participent à des réseaux de surveillance ou s’enrôlent dans la « police volontaire ». Une politique assortie de risques non-négligeables. Article et reportage vidéo. »
 

Un texte relativement neutre, informatif : une bonne synthèse du contenu de l’article.

Comment Owni traite l’information dans son chapô ?  Un contenu beaucoup plus dramatique et personnalisé.

« OWNI publie ce témoignage signé Marco Bertolini consacré aux milices néerlandaises. C’est l’histoire d’un citoyen installé dans un quartier bucolique des Pays-Bas et qui découvre un matin que les autorités néerlandaises font appels à des citoyens bénévoles. Autour de lui, de paisibles pères de famille s’éclatent dans des milices de quartier. Un récit initialement paru chez nos amis de MyEurop. »
 

L’article est présenté non comme l’oeuvre d’un journaliste professionnel qui enquête sur les possibles dérives policières aux Pays-Bas, mais comme le témoignage d’un « citoyen » qui « découvre un matin » qu’on fait appel à des citoyens bénévoles pour la chasse aux gangsters.  De « paisibles pères de famille s’éclatent dans les milices de quartier ».

Mon travail de journaliste est donc devenu le témoignage d’un simple citoyen qui découvre une réalité insoupçonnée.  C’est une façon de personnaliser l’histoire, un procédé probablement aussi vieux que le journalisme.

Des images chocs qui transforment la perception du contenu

Owni ne s’est pas arrêté là.

Son équipe a habillé le texte d’images dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles tranchent singulièrement avec celles utilisées par MyEurop !

Jugez plutôt.

Voici la première photo utilisée par MyEurop :

Photo MyEurop pour illustrer l'article sur les citoyens-policiers aux Pays-Bas

Première image MyEurop

Et voici la première image qu’Owni affichait en tête de l’article, ainsi que le nouveau titre et le chapô retravaillé :

Première image d'Owni : un oeil oppressant

La première image d’Owni

La référence à Big Brother et à son oeil omniprésent est évidente.

Les autres illustrations contrastent de la même manière.  Voici une capture d’écran de la vidéo qui figure sur l’article de MyEurop : un policier-lambda en train de verbaliser.  Les policiers bénévoles n’ont pas l’air trop inquiétant.

Photo de Myeurop : capture d'écran d'un reportage de France 2 sur les policiers bénévoles

Capture d’écran du reportage vidéo

La deuxième photo d’Owni joue sur la suggestion : une silhouette découpée à hauteur du buste, dans une rue déserte, avec la proximité de l’eau sombre, qui contribue à l’atmosphère glauque.  Une image hitchcockienne.

Photo d'Owni pour illustrer l'article sur les réseaux citoyens des Pays-Bas

Une photo tirée d’un film de Hitchcock ?

Image que ne contredira pas la suivante : un oeil dans lequel la pupille est remplacée par une tête de mort et deux tibias comme on en trouve sur les étiquettes de poison…  La dramatisation est portée à son comble avec l’oeil qui rappelle la surveillance constante des Big Brothers contemporains que sont les réseaux citoyens et les policiers bénévoles, encadrant un symbole de mort par empoisonnement.

Photo d'Owni pour l'habillage de l'article : un oeil contenant le symbole du poison

Un oeil scrutateur et empoisonné

L’utilisation des photos noir et blancs et sur des thèmes évoquant un univers orwellien dramatise au maximum la perception du contenu de l’article.  Nous sommes ici dans un environnement hostile, potentiellement violent et dangereux.

Les encadrés gris, dans lesquels figurent les citations, renforcent cette impression d’atmosphère à la fois anonyme et irrespirable.

Certaines portions de textes – comme la citation au-dessus de l’oeil – ont été déplacées par rapport à l’original afin de les isoler davantage, pour les mettre en évidence.   Et pour les rapprocher des photos dramatiques : le texte isolé et la photo se renforcent mutuellement.

Lorsque j’ai découvert mon texte habillé de cette façon, ma première impression a été un choc !

Je savais que l’article allait être reproduit sur une page d’Owni.  Connaissant le média, je ne doutais pas une seconde que son équipe « rhabillerait » le texte à sa façon.  Mais je ne m’attendais pas à une telle transformation.  Or, le texte lui-même n’a subi que de très légères altérations.  Mais j’avais vraiment le sentiment de découvrir un tout autre article, plus virulent, plus extrême que celui publié à l’origine.

Il est normal qu’un média habille un texte selon sa ligne éditoriale, selon le public auquel il s’adresse.  Selon l’effet qu’il veut produire.  Bien sûr l’angle choisi par le journaliste donnera le ton général de l’article.

Mais cet exemple réel, concret, montre à quel point l’habillage peut influencer la perception que nous avons d’un même texte : l’environnement graphique peut modifier profondément l’impact de votre texte sur le lecteur.  Pensez-y !

Marco Bertolini

 

Classé dans:Journalisme Tagged: article, écrire pour la presse web, cruciale, encadré, France 2, graphique, graphisme, habillage, images, importance, lecteur, perception, presse en ligne, presse web, Reportage, site d'information, texte, titre, vidéo

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